Le 5 septembre 2019
Monsieur le Cardinal, Messieurs les Evêques, Monsieur le Président de la République, Messieurs les Premiers ministres, Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux que nous nous retrouvions ici pour la troisième fois. Je voudrais remercier les organisateurs, qui sont l’âme de tout. Je voudrais rendre un hommage particulier au professeur Pál Demény, présent parmi nous, qui a été l’initiateur et le mentor de cette série de conférences et qui le reste aujourd’hui.
Nous avons, Mesdames et Messieurs, des invités d’honneur, des présidents et des premiers ministres de pays importants. Je salue tout particulièrement l’ancien premier ministre d’Australie. Grâce à son énergique action politique, nous considérons ce pays comme un modèle. Nous rendons un tout particulier hommage à l’esprit de conséquence courageux, direct et très anglo-saxon dont il fait preuve en matière de migration et dans la défense de la nation australienne. Merci d’être venu nous rendre visite. Nous avons aussi Monsieur le Président Vučić de Serbie, que je salue aussi très chaleureusement. Chaque peuple a son opinion sur les autres, c’est évidemment le cas entre voisins. Nous autres Hongrois, par exemple, avons l’habitude de considérer que les Slaves, en général, ont un grand cœur. Connaissant les Serbes, qui ne sont pas seulement nos voisins, mais qui partagent aussi notre destin, cette affirmation est particulièrement vraie et j’ai quelquefois l’impression qu’ils sont mus non pas par un, mais par deux cœurs. Ceux qui ne me croient pas n’ont qu’à regarder l’équipe de basket-ball serbe qui dispute actuellement les championnats du monde. Et nous avons le premier ministre de Tchéquie, qui n’est pas seulement en capacité de faire, mais qui a déjà fait des miracles. Il a accompli en Tchéquie des miracles économiques et financiers, c’est pourquoi son cours est particulièrement élevé en Hongrie. Je ne dis pas que nous ne progressons pas, nous aussi, assez bien, mais nous ne voyons toujours que la nuque des Tchèques. Monsieur le Premier ministre Babiš est pour nous une source d’inspiration, parce que nous, les Hongrois, nous voulons rattraper les Tchèques, et que donc mieux il réussit dans son pays, davantage il nous inspire ici en Hongrie. Si vous le permettez, je ferais remarquer entre parenthèses que la Tchéquie montre sa force en s’offrant le luxe qu’au lieu de tresser des couronnes à son premier ministre pour ses mérites dans l’obtention de ces résultats, elle le gratifie plutôt d’attaques. Il est pourtant le meilleur économiste d’Europe. Nous ne pouvons dire qu’une chose d’ici, de Hongrie : bienheureux Tchèques, nous envions vos problèmes !
Notre thème d’aujourd’hui est la démographie et la famille. Nous avons entendu des interventions remarquables. Je me retrouve dans une situation difficile : avec quoi puis-je contribuer à ce qui a déjà été dit ? Je crois que je peux le faire sur deux points : le premier, dire quelques mots des bases spirituelles de la politique familiale de la Hongrie, et le second, appeler votre attention sur quelques aspects-clé du modèle hongrois de politique familiale.
Commençons donc avec les bases spirituelles. A l’époque où j’étais encore jeune, une conférence comme celle-ci, sur les problèmes démographiques, aurait été pour moi une source d’étonnement. Elle aurait été une source d’étonnement parce que littéralement tout le monde, indépendamment de son éducation ou de son origine, tout le monde connaissait et comprenait cette vérité vieille comme le monde que la vie humaine a une fin et que tout comme nous y entrons, il y a un moment où nous en sortons. C’est la loi immuable. A cette loi et à cette dure vérité, j’ai constaté au cours de ma vie que l’on pouvait apporter trois types de réponses, ou si vous préférez chercher la solution par trois voies. La première voie est le monde des produits stupéfiants, la vie dans l’addiction, l’ingurgitation et la consommation au travers desquelles nous éloignons et écartons de nous la question de savoir que si la vie a une fin, quel est donc son sens ? Cette approche répond à la désagréable constatation que la vie a une fin en niant la question elle-même. La seconde approche est celle où l’homme cherche la voie qui mène au Créateur, lequel a décidé que notre vie a une fin et en a fait une loi de notre existence, en cherchant à nous rapprocher de Lui pour qu’Il nous donne la réponse et le baume de la guérison. Cette approche, cette voie a bâti dans le monde d’immenses œuvres de civilisation, dans le domaine des arts comme dans celui de la culture. Et la troisième approche, qui est devant nous, consiste à essayer de nous préoccuper de la continuation de notre vie en ce monde. Cette approche porte des noms : fondation d’une famille, enfant. Chair de notre chair, sang de notre sang, l’enfant est en quelque sorte la continuation de notre vie. En un mot comme en cent, puisqu’autrefois tout le monde savait cela en Hongrie, nous n’avons jamais tenu de conférences sur la démographie, parce que nous pensions que l’on n’avait pas besoin d’encourager la vache à brouter. Mais de grands changements se sont produits, et le grand changement peut se résumer en un seul mot, autour duquel tournent nos interventions : ce mot, c’est la dépopulation, la question de la dépopulation.
Lorsque nous, en Hongrie, essayons de clarifier les bases spirituelles de la politique familiale, nous essayons tout d’abord de comprendre la nature du mal. Le premier pas de la compréhension d’un problème social consiste à le cerner, à voir d’où à où il s’étend. C’est pourquoi nous nous sommes demandé si le déclin démographique était un phénomène mondial commun à l’ensemble de l’humanité ? Et nous avons constaté que non, puisque la population croît en Asie ou encore en Afrique. Nous nous sommes ensuite demandé s’il s’agissait d’une maladie de civilisation, une caractéristique de la civilisation chrétienne ? Et nous avons trouvé que non, parce que le nombre des chrétiens dans le monde, loin de diminuer, augmente, et toutes les prévisions font état de la poursuite de cette augmentation sur les années à venir. Alors si le déclin démographique n’est ni un phénomène mondial, ni ne peut être lié à la civilisation chrétienne, à quoi peut-on le rattacher ? Eh bien, nous sommes arrivés à la conclusion qu’il s’agissait d’un phénomène européen. Bien sûr, il existe aussi sur d’autres continents des pays où l’on observe un déclin démographique, par exemple en Asie, mais le fait que le phénomène soit généralisé sur tout un continent est bien une spécificité européenne. C’est pourquoi en Hongrie nous voyons dans ce mal une particularité européenne, et c’est en fonction de cela que nous devons l’aborder.
Quelle en est la raison ? Plusieurs théories s’affrontent. Mon opinion personnelle est que la cause est assez claire : le déclin démographique est devenu un problème européen parce que l’Europe a connu en son sein deux épouvantables guerres civiles. On les appelle guerres mondiales dans les écoles, et il est vrai qu’elles se sont étendues au-delà du territoire de l’Europe, mais elles ont été en vérité une guerre civile européenne, et même, pour être plus précis, une guerre civile occidentale. Deux guerres civiles occidentales, avec des pertes humaines immenses. Les calculs diffèrent, mais si l’on additionne les pertes européennes et américaines des deux guerres mondiales – non compris les pertes américaines subies sur les fronts d’Asie, c’est-à-dire seulement les pertes européennes –, l’on peut dire que nous avons perdu environ 50 millions d’Européens dans les deux guerres mondiales. Et je suis convaincu qu’au jour d’aujourd’hui nous subissons toujours les effets de cette perte. Et puisque la racine du problème est à chercher dans une situation non naturelle, une situation exceptionnelle – deux guerres mondiales, deux guerres civiles européennes –, la politique ne peut pas ne pas prendre ses responsabilités dans un sujet aussi sensible que la démographie. Si le déclin démographique n’avait pas été provoqué par des conflits politiques et des guerres, il est possible que les gouvernements n’auraient eu à s’occuper que de manière beaucoup plus prudente des questions démographiques, car c’est tout de même un domaine excessivement sensible. Mais puisque c’est la politique elle-même qui a causé le mal, puisque ce sont les gouvernements des Etats qui ont provoqué le mal avec les deux guerres mondiales, avec les deux guerres civiles européennes, il n’est pas possible de rectifier et de corriger ces problèmes sans une intervention énergique de la part de l’Etat. C’est pour cette raison que la Hongrie et le gouvernement de la Hongrie ont décidé qu’il nous faut une politique démographique énergique, et que cette tâche incombe à l’Etat et au gouvernement.
Lorsque nous parlons des bases théoriques de notre politique familiale, il faut en tout état de cause commencer par neutraliser deux arguments contraires. Notre invité venu d’Australie, Monsieur le Premier ministre, nous en a déjà parlé. Le premier est la migration. Il faut absolument repousser l’argument selon lequel la migration est capable de résoudre globalement le problème du déclin démographique européen, car si nous l’acceptons, nous n’avons rien à faire. Mais si nous ne l’acceptons pas, alors oui, nous avons des mesures à prendre, et si l’Europe de demain devait ne pas être repeuplée par des Européens, et si nous acceptons la migration comme un fait acquis, si nous la considérons comme naturelle, alors nous contribuons dans les faits à un échange de populations, nous contribuons au processus de basculement de la population européenne. Ce n’est pas le sujet de notre débat d’aujourd’hui, mais je vois que c’est là-dessus que l’on bâtit des politiques européennes, c’est-à-dire qu’il existe des forces politiques qui, pour des raisons diverses, souhaitent un changement de population pour partie pour des raisons d’intérêt, des raisons politiques, pour partie pour des raisons idéologiques, mais ce point dépasse l’objet de notre conférence d’aujourd’hui. De toute manière, nous devons affirmer avec détermination que si nous voulons mener une politique démographique, il est recommandé de tenir à l’écart la solution par la migration.
Le second argument à neutraliser – et Monsieur le Premier ministre Abbott y a également fait allusion, c’est un argument « vert », un argument nouveau, dont j’ai moi-même été frappé ces jours derniers – c’est qu’il soit possible de considérer les enfants et la vie comme quelque chose d’opposé à la nature et d’affirmer que la planète se trouverait mieux s’il naissait moins d’enfants. L’on pourrait argumenter contre cette affirmation, mais je propose plutôt de la considérer comme insensée et de la rejeter en tant que telle, en nous bornant à rappeler que dans l’ordre de la Création l’homme est également partie prenante, et non adversaire, de l’écosystème que l’on cherche à préserver des enfants. C’est pourquoi il ne faut pas opposer l’un à l’autre, mais déterminer de manière intelligente la place d’une humanité toujours croissante dans cet écosystème.
C’est cela la bonne approche, pas celle qui consiste à opposer la nature à la vie humaine. Et sur le thème des bases spirituelles de la politique démographique hongroise, je voudrais encore faire deux observations positives. La première est que selon la conviction des Hongrois tout enfant a droit à un père et à une mère. En d’autres termes, lorsque nous parlons de la famille, de l’aide aux familles, nous entendons l’aide à la famille traditionnelle, nous défendons le modèle traditionnel de la famille, et en même temps nous raisonnons aussi en termes de nation, parce que nous pensons que la famille et l’enfant ne sont rien d’autre que la condition préalable à la reproduction biologique de la communauté nationale. Si les familles ne fonctionnent pas, s’il n’y a pas d’enfants, alors une communauté nationale peut disparaître. Peut-être cela n’est-il pas absolument évident pour un Australien, qui fait partie de la grande famille du monde anglo-saxon, ou pour un Allemand, qui ne comprendrait pas non plus que l’on puisse envisager de disparaître de la terre, mais pour des communautés de la dimension de celle des Tchèques, des Serbes ou des Hongrois, il n’est mathématiquement pas trop difficile de reconnaître qu’en présence de tendances démographiques défavorables il pourra y avoir tôt ou tard un dernier homme qui devra éteindre la lumière. L’on peut donc s’éteindre. Cette vision ne relève pas d’une terreur maladive, elle n’est pas le fruit d’une imagination dévoyée, elle est un danger véritable, dont le modèle mathématique peut être construit, qui fait que lorsque le niveau de la population dans ces nations baisse au-dessous d’un certain seuil, c’est la préservation de l’identité nationale qui devient impossible. Et nous pensons que si une nation disparaît de la surface de la terre, il en résulte une perte que nul ne peut combler, une perte irrémédiable, car nous ne pouvons pas être Serbes, seuls les Serbes peuvent être Serbes. Seuls les Hongrois peuvent voir le monde en Hongrois, les Tchèques ne peuvent pas le voir en Hongrois, et les Tchèques seuls sont capables de produire une culture tchèque, les autres non. En d’autres termes, si une nation disparaît, le monde perd quelque chose d’irremplaçable. János Arany, le grand poète romantique hongrois, l’a dit à sa manière, et c’est la raison pour laquelle les deux vers suivants figurent dans les bases spirituelles de la politique familiale hongroise :
« Si nous sommes balayés par la tempête du temps,
Jamais plus il n’y aura de Hongrois devant Dieu »
Notre politique familiale repose donc aussi sur des bases nationales.
Voilà, Mesdames et Messieurs, sur quoi se fonde la politique familiale de la Hongrie. Je voudrais maintenant appeler votre attention sur certains de ses aspects, en me limitant à quelques-uns parce que la matière est très riche et qu’il est pratiquement impossible de les traiter tous de manière exhaustive. Je ne voudrais donner ni des conseils ni encore moins des leçons, parce qu’il y a autant de nations que de pays, autant de manières de penser que de nations. Je voudrais plutôt proposer l’expérience hongroise comme une boîte de bonnes pratiques à partir de laquelle vous pourrez réfléchir à ce que vous pourriez en utiliser chez vous.
La première chose est que la base du modèle hongrois est de nature constitutionnelle. J’ai déjà parlé des bases spirituelles. Mais il y aussi une base constitutionnelle, et c’est très important. Si l’essence de la politique démographique, si les éléments principaux de la politique familiale ne sont pas inscrits dans la constitution, il n’est pas possible de mener une politique familiale sur le long terme. C’est pourquoi les bases constitutionnelles sont nécessaires, parce que ce sont ces bases qui nous protègent contre les décisions de justice antifamiliales. Les tribunaux sont un monde à part, ils ne font pas partie des domaines contrôlés par l’action de l’Etat, ils relèvent bien de la vie publique mais ils sont indépendants du gouvernement, ils fonctionnent sur la base de considérations différentes de celles du gouvernement, et c’est pourquoi il peut toujours se trouver des décisions de justice – les Etats-Unis en sont le meilleur exemple – qui sont clairement antifamiliales. Il y a à cela une seule limite : une base constitutionnelle claire. Et la politique familiale doit avoir une base constitutionnelle pour une autre raison aussi, à savoir que sans elle les organisations internationales, les ONG, les réseaux et les officines qui sont très souvent hostiles à la famille pourraient prendre pied dans la vie publique hongroise et dans le processus décisionnel hongrois. Soyons conscients que si notre constitution ne nous protège pas contre – n’hésitons pas à le dire – des décisions antifamiliales de l’Union européenne, de telles décisions pourront être prises sans entrave. Si nous voulons nous défendre, si nous voulons mener une politique familiale solide, nous avons besoin des bases constitutionnelles.
Le second aspect sur lequel je voudrais attirer votre attention est qu’une bonne politique familiale suppose de bonnes bases économiques. Il se peut que ce ne soit pas le cas dans d’autres parties du monde, mais telle que je vois et comprends la situation actuelle de la civilisation européenne, je dois dire qu’en Europe il faut de l’argent pour une politique familiale réussie. Sans argent, nous ne pouvons pas renverser les tendances défavorables. Que cela nous plaise ou pas, c’est notre expérience. C’est ce qui a permis en Hongrie de doubler sur dix ans les aides budgétaires aux familles. Il est important que lorsque nous parlons des bases économiques nous comprenions à quel point une situation financière sûre et stable est également importante du point de vue de la politique familiale : et je lève ici mon chapeau une nouvelle fois devant Monsieur le Premier ministre Babiš, car le fondement de la politique familiale est la confiance. Il faut que les familles croient que les mesures que prend un gouvernement resteront pérennes sur la durée. La décision d’avoir des enfants ne se limite pas à un moment, il faut aussi les élever. Il faut un régime d’aide aux familles fiable et assuré sur la durée. Mais si les finances ne sont pas en ordre, si les troubles financiers font leur apparition, alors ce sont les plans d’austérité qui arrivent et c’est toute la rationalité budgétaire de la politique familiale qui tombe tôt ou tard à l’eau. La Hongrie en est un exemple. Je pourrais vous en parler longuement – sauf que ce n’est pas pour discourir sur les gouvernements précédents que nous sommes réunis aujourd’hui – et vous raconter comment ces gouvernements précédents ont immédiatement retiré, sous couvert de gestion de crise, toutes les aides aux familles sans lesquelles il n’y a pas de planification familiale stable possible. Ce que je veux vous dire, c’est qu’au-delà des bases spirituelles et des bases constitutionnelles, une politique familiale stable et réussie a besoin aussi de finances en ordre, d’une économie en croissance, c’est-à-dire de bases économiques. L’expérience hongroise – il est possible qu’ailleurs cela compte moins – est que les allocations de politique familiale doivent être en Hongrie toujours liées au travail. Car l’homme est humain, et il se replie très facilement dans une situation où, s’il voit que l’on peut vivre des aides sociales et autres, il a tendance à choisir cette forme d’existence au lieu de l’activité de travail, ce qui a pour conséquence une chute de la performance économique du pays, et nous voilà revenus aux désordres financiers qui engendrent à leur tour les mesures d’austérité. Si donc nous voulons une politique familiale stable à long terme, il faut lier le plus d’éléments possibles des aides aux familles à l’activité professionnelle. Il y a des techniques pour cela, et la Hongrie se tient volontiers à votre disposition, avec son système d’incitations fiscales et le congé parental. De la même manière, nous estimons important de lier les aides accordées à l’enfant à la satisfaction des obligations incombant aux parents. Si les parents ne satisfont pas à leurs obligations, ils ne pourront pas recevoir d’aide gouvernementale au titre de leurs enfants. Si par exemple en Hongrie un enfant est d’âge scolaire, et si ses parents ne l’envoient pas à l’école, ils ne pourront pas s’attendre à recevoir des allocations familiales. Cela veut dire que le lien avec une activité, entendu de manière sensée et humaine, est également un élément important de notre politique familiale. De la même manière, nous sommes allés jusqu’à rendre possible et obligatoire la fréquentation de l’école maternelle dès l’âge de trois ans, et d’en faire un élément important de notre politique familiale. Des dérogations sont bien sûr toujours possibles. Mais la Hongrie est un pays où l’éducation publique des enfants commence effectivement à l’âge de trois, éventuellement quatre ans. Et nous ne considérons pas l’école maternelle comme une garderie, mais comme une préparation de l’enfant à ses années de scolarité futures. Nous avons ainsi au fond prolongé d’autant la durée d’insertion des enfants dans la société, la période de leur préparation et de leur formation. Et bien sûr il n’y a pas que les écoles maternelles, mais aussi les crèches. Je peux vous dire qu’en 2022 il n’y aura pas en Hongrie de demande de mise en crèche qui ne puisse pas être satisfaite.
Ces mesures, Monsieur le Cardinal, Monsieur le Président de la République, nous les avons toutes introduites, mais nous n’avons malheureusement pas encore atteint le point de rupture. Nous avons déjà fait beaucoup de choses, mais elles sont encore toutes réversibles. C’est une question importante de savoir où se trouve, et si l’on peut d’ailleurs le repérer, le point à partir duquel nous pourrons dire à coup sûr – dans la mesure où ce mot a un sens en politique – que quand notre politique familiale l’aura atteint, alors à partir de là elle produira pratiquement sûrement des résultats et que davantage d’enfants naîtront. Ce que je dis maintenant est basé sur l’expérience hongroise, et je pense que c’est généralisable à l’Europe : au-delà de l’Europe, cela a peut-être moins de pertinence, mais je pense qu’en Europe – et en Hongrie en tout cas – la vérité est que nous aurons gagné si nous arrivons à mettre en place une politique d’aide aux familles qui fasse en sorte que ceux qui acceptent d’avoir des enfants soient assurés de vivre mieux que s’ils n’en avaient pas. C’est le point de rupture. Il faut que la décision d’avoir un enfant contribue à l’élévation du niveau de vie. Pas au sens où quand tu seras vieux, tes enfants prendront soin de toi, mais hic et nunc, tout de suite, quand tu élèves encore tes enfants, par le fait que si tu en as, tu te retrouves déjà matériellement dans une meilleure situation que si tu avais décidé de ne pas en avoir. C’est ce point que nous visons, c’est ce point que nous voulons atteindre, c’est ici que va basculer du bon côté tout le système hongrois d’aide aux familles. Mais nous n’en sommes pas encore là, nous avons encore bien à faire pour y arriver.
Pour conclure, je voudrais encore répondre à une question : cette politique a-t-elle une chance de réussir ? Car qui que j’interroge en Europe, disons dans le monde des salons politiques huppés, sur le point de savoir si ce que nous faisons peut réussir, s’il est possible d’atteindre le fameux taux de fécondité de 2,1, ou si c’est impossible, dans ces élégants salons européens neuf personnes sur dix me répondent que cela ne peut pas réussir. Et si neuf personnes sur dix affirment que quelque chose ne peut pas réussir, il vaut la peine d’y réfléchir. Huit ne suffisent peut-être pas, cinq sûrement pas, mais neuf, c’est beaucoup. Et nous devons nous demander si nous ne nous engageons pas dans l’impossible. Arriverons-nous au bout du compte à atteindre l’objectif que nous nous sommes fixé ? Je ne peux pas vous y donner une réponse irréfutable. Ce que je peux vous dire en revanche, c’est que je connais bien cette façon de présenter les choses pour en avoir fait l’expérience dans d’autres domaines. Quand nous avons décidé de nous passer des services du FMI et de le renvoyer dans ses foyers, neuf personnes sur dix nous ont dit que c’était impossible. Quand nous avons dit qu’il fallait impliquer les banques dans la gestion de la crise, et qu’il fallait les taxer, neuf personnes sur dix nous ont dit que c’était impossible. Quand nous avons décidé la baisse des charges domestiques et quand nous avons taxé les entreprises multinationales, on nous a dit que cela ne marchera pas. Lorsque nous avons dit que nous allons mettre en place un impôt sur le revenu proportionnel à la place du système progressif déjà annoncé dans le Manifeste Communiste – car c’est là que l’on en a parlé pour la première fois –, on nous a dit que c’était impossible. Quand nous avons dit qu’en dix ans nous allions créer un million d’emplois, on nous a dit que ce n’était pas possible. Quand nous avons dit que nous allons arrêter les migrants sur la frontière hongroise, quel que soit leur nombre, on nous a dit que ce n’est pas possible. Quand nous avons dit que nous allons ériger une clôture qui ne pourra pas être renversée, on nous a dit que ce n’était pas possible. Je ne peux donc pas répondre à la question de savoir si l’objectif que nous nous sommes fixé en matière démographique pourra être atteint ou non, mais ce que je peux dire, c’est que c’est en vain que chaque fois que nous nous sommes fixé des objectifs importants pour la nation hongroise, neuf personnes sur dix nous ont dit que c’était peine perdue, nous y sommes tout de même arrivés. C’est la réalité.
Et je voudrais ajouter à l’intention de nos invités que je reconnais qu’il n’est pas facile de comprendre la politique hongroise en raison notamment de l’obstacle de la langue, mais il y a tout de même des points où il est tout à fait aisé de se comprendre. La politique hongroise a un mot-clé, qu’il est important de comprendre. L’histoire de la politique hongroise est suspendue à ce seul mot : « malgré tout ». Cela signifie, dans les autres langues : « envers et contre tout ». Cela veut dire que s’il le faut, nous nous y mettons, y compris contre le monde entier, et qu’ensuite notre bravoure de Hussards fait qu’on y arrive. C’est un des points essentiels de la compréhension de l’histoire de la Hongrie. Mais cela ne signifie pas, bien entendu, que cela réussit à tous les coups. Il y a des conditions. Le succès de la politique démographique hongroise, de la politique du gouvernement est donc soumis à des conditions. Je ne peux pas toutes les identifier, mais je peux en citer trois ou quatre dont on peut dire qu’elles sont nécessaires au succès des aspirations hongroises.
La première condition préalable au succès de la politique démographique hongroise est le renforcement du christianisme en Europe. Si le christianisme ne se renforce pas en Europe, la Hongrie, îlot isolé, ne sera guère capable d’obtenir des résultats. La seconde condition est que nous ayons des partenaires. Tout seul, cela ne marche pas. Nous avons aujourd’hui des partenaires : Monsieur le Président Vučić, Monsieur le Premier ministre Babiš. Nous avons des partenaires, en Europe aussi. Nous sommes supporters des Autrichiens, et nous espérons que le bouleversement italien se résoudra en fin de compte d’une manière qui nous sera favorable et que là aussi, nous trouverons des partenaires. Il faut des partenaires en Europe, seuls là non plus cela ne marchera pas. Et je suis sûr que puisque des bases économiques sont nécessaires, une condition préalable à une politique familiale réussie est que la croissance du produit national hongrois dépasse chaque année d’au moins deux points sur la période à venir, sur une perspective d’environ dix ans d’ici à 2030, la moyenne de la croissance économique de l’Union européenne. Si elle la dépasse de deux points, cela produira les ressources nécessaires pour donner une base financière solide et permettre le financement d’une politique économique et familiale enrichie d’éléments nouveaux. Et enfin, la plus importante, la quatrième et dernière condition préalable : nous réussirons si nous tenons bon. Au travail !
Merci de votre attention.