Budapest, le 10 mai 2018
Monsieur le Président de la République,
Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Mes premiers mots seront des mots de remerciement. Remerciements à tous ceux qui ont pris part aux élections législatives, quel qu’ait été leur choix. Un remerciement tout spécial à ceux qui ont porté leur choix sur nous, sur les forces citoyennes, nationales et chrétiennes. Au-delà de ces remerciements, je suis également reconnaissant à ceux qui m’ont personnellement soutenu. Je sais que je leur suis redevable d’une responsabilité particulière. J’y ferai droit, et j’y associerai cette autre responsabilité, à savoir que je dois servir tout le pays, toute notre patrie, et chacun des membres de notre nation. Mon gouvernement repose sur une majorité constitutionnelle des deux tiers, mais il servira toujours les trois tiers.
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Mesdames et Messieurs les Députés, j’ai accédé à la demande du président de la République. J’ai prêté serment devant vous pour la quatrième fois. Je commence aujourd’hui ma huitième législature. Voilà vingt-huit ans que je suis député, et je vous demande de me considérer, en tant que premier ministre, également comme un des vôtres. Je persiste à penser que la nation ne peut pas être dans l’opposition, parce qu’elle se situe bien au-dessus des partis et que son service ne peut pas dépendre du fait que nous soyons députés de la majorité ou de l’opposition. J’estime que le débat et la confrontation sont partie intégrante de la politique. Ce n’est peut-être pas plus mal. Si nous enfonçons un clou dans le mur, et s’il ne rencontre pas de résistance, que pourrons-nous donc y accrocher ? J’ai suffisamment l’expérience de la nature humaine pour savoir que nous avons beau désirer une victoire aussi douce que la brise, nous avons beau souhaiter des consentements placides et pacifiques, basés sur la reconnaissance des faits, cela ne nous est pas vraiment donné dans le monde de la politique. Ou bien si c’est le cas, cela ne l’est que très rarement et pendant les périodes de grâce. Ce que je peux vous promettre – et ce que je vous promets –, c’est que je veillerai à ce que nous ayons le sentiment, aussi souvent que ce sera possible dans ce pays, qu’un ange est passé. Je promets également à mes adversaires que là et quand la confrontation partisane ne pourra pas être évitée, nous nous comporterons de manière chevaleresque. Quant aux députés de la majorité, je leur promets que nous ne resterons redevables à personne dans la confrontation. Si l’on nous agresse, vous pouvez être assurés que les agresseurs recevront la monnaie de leur pièce.
J’ai déjà eu l’occasion de vous dire que la politique est plus dangereuse que la guerre, parce que dans la guerre on ne meurt qu’une fois. Cette affirmation peut paraître effrayante, mais elle est au contraire profondément optimiste, parce qu’elle laisse entendre que ceux qui se mêlent de politique peuvent ressusciter plus souvent. J’ai moi-même passé seize années dans l’opposition, et douze au pouvoir. J’ai appris que la victoire n’est jamais définitive, et que la défaite n’est jamais fatale : la seule chose qui compte est de savoir si l’on est disposé à continuer la lutte. Si Dieu le veut et si nous restons en vie, nous aurons – j’aurai – atteint à la fin de cette législature l’équilibre entre les années de pouvoir et les années d’opposition. Et nous n’en serons encore qu’à l’égalité. Soyons clairs dès maintenant, c’est le lieu et le moment de l’affirmer : nous sommes des sportifs, nous ne nous satisfaisons pas d’un match nul.
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Je me présente aujourd’hui devant vous, Mesdames et Messieurs les Députés, avec optimisme, confiance et volonté de faire. Le travail accompli peut nous donner la nécessaire confiance. Même en prenant en compte nos erreurs, nous pouvons à bon droit souhaiter à la Hongrie de ne jamais connaître huit plus mauvaises années que celles que nous laissons derrière nous. C’est ce que pensent aussi les électeurs. Les chiffres nous montrent que le Fidesz-KDNP a reçu davantage de suffrages que tous les partis ici représentés réunis. Et avec ce mouvement, mes chers amis, nous pouvons tracer ici une ligne de démarcation claire, une ligne que la politique hongroise ne trouve que bien rarement. Et parce qu’elle ne la trouve pas, elle tangue régulièrement entre deux attitudes extrêmes : le pessimisme hongrois bien connu d’un côté, et l’optimisme béat de l’autre. Traçons donc cette ligne claire entre l’assurance et l’autosatisfaction. Affirmons clairement que – comme l’a dit notre roi Saint Etienne – l’on ne peut pas vivre du passé, rien n’élève plus que l’humilité, et rien n’abaisse plus que l’orgueil et la haine. Et reconnaissons que derrière les succès se cache toujours la grâce du Bon Dieu. Ce n’est donc pas une clause de style, ce n’est pas seulement une tradition, mais notre profonde conviction : soli Deo gloria, la gloire appartient à Dieu seul [le premier ministre est protestant, NdT].
Et puisque nous nous sommes préparés de cette manière, et que nous avons mis nos idées en ordre, nous pouvons affirmer avec confiance que nous allons entreprendre de grandes choses au cours des quatre prochaines années. Nous savons qu’un parterre doit toujours être désherbé, il faut biner en permanence. Nous allons donc faire notre travail quotidien de manière professionnelle et à son rythme, mais nous aspirons aussi à bien plus. Nous voulons ficher notre cognée dans un arbre – dans des arbres – de grande taille. Nous savons aussi qu’une hirondelle vaut parfois mieux qu’une outarde, mais nous voulons vraiment partir à la chasse au gros gibier.
Lorsque je parle de l’avenir de la Hongrie, je ne peux le faire avec certitude que pour les quatre prochaines années, puisque c’est l’horizon de mon mandat. Mais vous savez très bien que je ne réfléchis jamais à l’horizon de quatre ans. L’opposition me critique souvent pour cela. Mes amis de la majorité m’ont aussi plusieurs fois averti d’avoir à rester prudent avec les grandes perspectives, parce que ceux qui ne regardent pas où ils mettent le pied risquent de trébucher. Cela nous est d’ailleurs arrivé, il y a donc du vrai là-dedans. Je suis malgré tout convaincu que nous pouvons viser de grands objectifs. L’alignement des astres a rarement été aussi favorable à notre pays qu’aujourd’hui. La question hongroise est aujourd’hui une question gagnante. Tout ce que les grands projets exigent est en place. Nous avons l’expérience, nous avons des camarades blanchis sous le harnais des grands combats, Nous avons le courage, l’autorité internationale, un pays sur trajectoire ascendante, des projets sérieux, une volonté de faire et une grande confiance dans nos capacités. L’énergie vitale n’a pas seulement fait retour en Hongrie et chez les Hongrois. Il se passe aujourd’hui sous nos yeux quelque chose qui n’est arrivé que rarement dans l’histoire de notre pays. Des forces créatrices montent à la surface. Les Hongrois ne croient plus seulement que s’ils font bien leur travail, demain ne sera pas pire qu’aujourd’hui – encore que dans nos contrées ce ne soit pas déjà un mauvais résultat – mais ils croient aussi que demain pourra être meilleur. Le résultat des élections montre même qu’ils ne pensent pas seulement qu’il pourra être meilleur, mais qu’il sera meilleur. Ils veulent avoir un gouvernement à la hauteur de nos possibilités d’avenir. Ce qu’ils attendent donc de nous, c’est que nous nous hissions à leur niveau, et qu’il y ait dans le gouvernement au moins autant d’optimisme, de volonté de faire et d’énergie créatrice que dans le corps électoral. Où que nous allions dans le pays, nous voyons partout les signes du travail, de l’application, de la construction. Des grues, des ouvriers du bâtiment, des terres cultivées. Tout le monde a un projet, tout le monde construit, agrandit, arrange ou embellit quelque chose. J’ai le sentiment qu’à l’heure où nous nous fixons des objectifs ambitieux, nous sommes sur la même longueur d’onde que nos concitoyens. Cela nous encourage et nous confère le droit de préparer nos plans dans une perspective non pas à quatre, mais à dix ans, et même à douze. Une gouvernance responsable nous y oblige d’ailleurs, puisque le prochain budget de l’Union européenne et son exécution s’étendra jusqu’à 2030.
En politique, le facteur le plus important est le temps. Pour gouverner un pays, il faut de l’expérience et de la fermeté. Il faut aussi la connaissance du terrain, l’horizon international, la capacité de mise en perspective, et si l’on y ajoute le courage de l’innovation et le don de l’acuité visuelle, nous avons partie gagnée. A dire vrai, j’ai toujours considéré les vingt ans de la période 2010-2030 comme une seule et même période. Pour moi, la démocratie, les élections libres et la possibilité de l’alternance politique ne sont pas contradictoires, et n’excluent en rien la mise en perspective ou la vision à long terme. Si c’était le cas, ceux qui vivent en démocratie donneraient un avantage irrattrapable aux peuples qui ne vivent pas en démocratie. Mais le bon sens nous y incite aussi. Ceux qui ont déjà bâti une maison savent qu’il est inutile de creuser les fondations si l’on n’a pas en main le plan définitif de la construction.
Je sais que beaucoup – mais moi non – vont trouver incroyable que la Hongrie fasse partie, à l’horizon 2030, des cinq pays de l’Union européenne où il fera meilleur vivre, habiter et travailler. Et je trouve aussi possible que notre pays soit dans les cinq premiers Etats-membres de l’Union dans les classements de compétitivité de type nouveau qui prendront en compte non plus la quantité, mais la qualité. Je sais bien qu’il y a des pays plus grands, plus peuplés et plus riches que le nôtre, mais il n’y a pas beaucoup de contrées plus belles, plus sûres, plus anciennes et plus protégées que notre Bassin des Carpates, et en son sein la Hongrie. Ceux qui ont le sens de l’histoire voient bien cette chance que nous avons. A ceux qui doutent, je dirai simplement qu’avec trois deux-tiers à la suite derrière nous, nous avons le devoir de tenter l’impossible, car nous pouvons laisser le possible aux autres. C’est pourquoi nous nous engageons à enrayer notre déclin démographique, et même à remettre la Hongrie sur une trajectoire ascendante. Des voies rapides vont relier Budapest à nos chefs-lieux de département, nos autoroutes atteindront les frontières du pays, et toutes les voies rapides pourront être atteintes en 30 minutes de n’importe quel point du pays. Les nouveaux parcs de panneaux solaires, la centrale nucléaire de Paks II élèveront la Hongrie au rang des pays producteurs d’une énergie propre et renouvelable. 80% des exportations mondiales sont actuellement réalisées par 600 entreprises multinationales : c’est pourquoi nous devons faire venir en Hongrie des investissements à haute valeur ajoutée et versant des salaires élevés, afin d’accéder aux dix premiers pays du monde dans ce classement. Tout cela avec la volonté d’augmenter de 50% la part des entreprises contrôlées par des intérêts hongrois dans la valeur totale des exportations du pays. Nous avons l’intention de faire reculer radicalement les grandes maladies, et nous n’hésiterons pas à rationaliser notre système de santé par l’introduction de fortes incitations. Et nous bâtirons enfin les nouvelles forces armées hongroises. Nos voisins s’arment en permanence, mais il est vrai aussi, d’une manière générale, qu’une nation incapable d’assurer sa propre défense est irresponsable et commet une faute historique. Je compte tout particulièrement sur les qualités de nos jeunes officiers. Nous donnerons aussi un volet économique à la communauté de destin historique et culturelle de l’Europe centrale, en reliant nos capitales et nos grandes villes par la route, le chemin de fer et les airs. Nous soutenons dans ce domaine le rôle déterminant de la Pologne, et nous jetterons ensemble les bases d’une vaste zone économique centre-européenne.
Parmi nos vastes et ambitieux objectifs, nous trouvons aussi Budapest, à laquelle nous voulons rendre sa grandeur et son rayonnement d’autrefois, et qui jouera un rôle important dans l’unification de la nation. Cette ville est à la fois le domicile des Budapestois et la capitale de la nation. Pour les Hongrois, Budapest est la « ville éternelle » qui appartient à tous les Hongrois, où qu’ils vivent dans le monde. La ville qui les attend. La Hongrie, la langue et la culture hongroises sont à mes yeux un gigantesque aimant qui attire les Hongrois que les vents ont dispersés hors du Bassin des Carpates. L’on a demandé un jour à l’illustre écrivain Ferenc Molnár, qui vivait à New-York reconnu, riche et envié, pourquoi il était si abattu. Il a répondu : tous mes ennemis et ceux qui me veulent du mal sont là-bas, à Budapest, c’est à mes envieux de là-bas que j’aspire, ceux d’ici ne m’intéressent pas.
Je n’ai jamais caché ma conviction selon laquelle la crise des économies occidentales de 2008, qui a été à deux doigts d’emporter non seulement la Grèce, mais aussi notre pays, a marqué la frontière d’une époque. Elle a été le moment où le nouvel ordre mondial, qui couvait sous la cendre depuis un moment, est parvenu à la surface. C’est alors qu’il est apparu clairement que le monde n’a pas seulement été le témoin de phénomènes tout simplement nouveaux et inhabituels, mais qu’il est aussi entré dans une ère nouvelle, dotée de ses logiques nouvelles et de ses lignes de force nouvelles. Dès avant 2010, j’ai considéré de mon devoir d’appeler l’attention sur ce phénomène, et de faire comprendre que nous sommes entrés dans une ère nouvelle, qui appelle le changement de la part de chacun d’entre nous. J’ai estimé que ma mission consistait à convaincre les Hongrois qu’il n’est pas suffisant de faire mieux ce que l’on faisait hier. Nous devons passer à autre chose, et c’était vrai pour tout le monde, pour la Hongrie tout entière comme pour son gouvernement. Nous devons tous nous renouveler. Et j’ai finalement réussi à convaincre les Hongrois que c’est non seulement inévitable, mais aussi que nous en sommes capables. Ensemble, individuellement et séparément. C’est pourquoi notre gestion de crise de 2010 n’a pas eu pour objectif de revenir au bon temps d’avant la crise, mais de jeter des bases nouvelles et d’introduire des mesures nouvelles : un nouveau système fiscal, une nouvelle politique monétaire, une nouvelle constitution, des codes de lois nouveaux, une nouvelle politique de soutien aux familles, une nouvelle éthique du travail.
Lorsqu’un peuple – comme cela a été le cas du nôtre – s’engage sur des voies nouvelles, il ne peut pas faire l’économie des débats intellectuels. Dans les cas comme celui-là, les thuriféraires et les profiteurs de l’ordre ancien, assistés des nonchalants, des indifférents et des paresseux, s’unissent pour flétrir les innovateurs. Et plus grands sont nos succès, plus grande est la fureur de nos critiques. Ces débats de type intellectuel n’ont pas pu être évités dans le passé, et ne pourront pas l’être dans l’avenir non plus. Même si certains les considèrent comme une charge inutile ou un obstacle à la reconnaissance des succès politiques concrets.
Une nation entière ne peut pas être refondée en catimini. Je pense personnellement que les succès que nous avons remportés jusqu’à présent doivent beaucoup au fait que nous avons toujours déclaré ouvertement que l’ère de la démocratie libérale est arrivée à son terme. Elle s’est avérée incapable de protéger la dignité de l’homme, elle est incapable de lui donner la liberté, elle ne peut plus lui garantir la sécurité physique et ne peut même plus défendre la culture chrétienne. Certains en Europe essaient encore de la bricoler dans l’espoir de la réparer. Ils ne comprennent pas que ce n’est pas la structure qui s’est abîmée, mais que c’est le monde qui a changé. Notre réponse, la réponse des Hongrois au changement du monde est qu’à la place de la démocratie libérale naufragée nous avons l’intention de bâtir la démocratie chrétienne du XXI° siècle, qui garantit la dignité, la liberté et la sécurité de l’individu, protège l’égalité entre les hommes et les femmes, respecte le modèle familial traditionnel, met un frein à l’antisémitisme, protège notre culture chrétienne et donne sa chance à la pérennité et au développement de notre nation. Nous sommes des démocrates chrétiens, et nous voulons une démocratie chrétienne.
L’arbre et la forêt. Quand on vit dans un monde, l’on ne peut pas s’attendre à ce qu’immergés dans le quotidien l’on réalise que l’on se trouve à l’orée de la naissance d’un monde nouveau, où apparaissent des systèmes de valeurs nouveaux, des protagonistes nouveaux, des collaborations nouvelles. Les pays disposent pour cela d’experts, et parmi eux des hommes politiques. Aussi est-ce le devoir du gouvernement d’appeler l’attention sur le fait que de nouvelles technologies, de nouveaux principes de gestion économique, de nouveaux modèles de consommation, de nouveaux champs de bataille économiques, de nouvelles générations et de nouvelles dynamiques ont fait leur apparition. Aujourd’hui aussi, le devoir du gouvernement est de préparer la Hongrie et les membres de la nation hongroise à cette nouvelle ère technologique. Dans cette ère nouvelle, tout le monde doit travailler, et nous sommes aujourd’hui, en Hongrie, 800.000 de plus à travailler qu’il y a huit ans. Dans cette ère nouvelle, une dette publique élevée est une menace mortelle. Notre dette publique est inférieure de 17 points à la moyenne de la zone euro ; le salaire pour lequel nous devions travailler 12 mois en 2010, nous l’empochons aujourd’hui en 8 mois. Dans cette ère nouvelle, l’infrastructure indispensable aux entreprises nationales, sur la base des règles du marché, sera un facteur déterminant : c’est la raison pour laquelle nous avons ramené en des mains hongroises notre système bancaire ainsi que les secteurs de l’énergie et des médias. Dans cette ère nouvelle, le savoir sera un véritable pouvoir : c’est pourquoi nous avons fait les – tout – premiers pas permettant d’élever des jeunes capables de subsister dans les circonstances les plus adverses. Vous voyez que nous nous sommes lancés, mais il reste encore un long chemin à faire.
L’innovation, la confiance et les grands projets sont de belles choses, mais nous devons aussi nous rappeler que nous sommes une nation plus que millénaire. Dans la politique d’un pays doté d’un tel passé historique, il y a des éléments « éternels ». Ce sont entre autres la dimension de la nation, sa place dans le monde et son esprit. Le premier ministre appelé à diriger le gouvernement, les futurs membres de ce gouvernement, et les députés à l’Assemblée nationale eux-mêmes doivent en être conscients. Au moment de décider ce que peuvent vouloir les Hongrois dans le monde, nous devons être conscients de notre dimension. La dimension de notre pays a constamment changé au cours des 1100 dernières années, mais nous n’avons jamais fait partie des nations de grand peuplement. Les Hongrois représentent aujourd’hui 0,2% de la population mondiale. Il en résulte clairement que la subsistance des Hongrois n’est pas automatique. Les peuples nombreux, dotés de larges parentés, ne peuvent pas imaginer un monde où ils ne seraient pas présents, où leur espèce n’existerait tout simplement pas. La politique hongroise doit au contraire partir de la prise en compte de la possibilité de la disparition, de la dispersion, de l’épuisement, en clair de la possibilité d’un monde sans Hongrois. Certains y ont déjà pensé. Grâce au Ciel, c’est nous qui siégeons ici, et pas eux. C’est pourquoi le devoir de la politique hongroise consiste, entre autres, à prendre ce point de vue en compte lorsque nous considérons ce qui se passe avec la Hongrie et autour de la Hongrie. La subsistance est une question d’énergie vitale, et c’est pourquoi l’Etat hongrois et le gouvernement qui le dirige doivent à tout moment demeurer stables, forts et prêts à l’action. C’est une priorité absolue, qui prend le pas sur tout le reste.
Nous jouons dans une catégorie spéciale. Il y a une langue, que nous sommes les seuls à parler. Il y a le monde, que nous sommes les seuls à voir à travers le prisme de notre langue et de notre culture, et que nous sommes les seuls à nous représenter comme nous le faisons. Sans nous, la civilisation humaine s’appauvrirait à coup sûr d’une langue, d’une vision du monde et d’une représentation du monde. Ce fait doit donner de l’assurance à notre gouvernement. Notre gouvernement doit se présenter dans le monde et représenter la Hongrie dans la conscience que nous avons derrière nous des réalisations remarquables, avec lesquelles nous avons contribué, dans les domaines de la science, de la culture, des sports et des arts, aux performances de l’humanité tout entière. Nous devons vivre avec l’assurance et la dignité d’un pays qui sait que les Hongrois ont davantage donné au monde qu’ils n’ont reçu de lui. Nos performances passées nous donnent le droit de poursuivre notre histoire. Cette base juridique – la contribution des Hongrois à notre monde – le gouvernement doit avoir pour obsession de la développer.
Le Bassin des Carpates est partagé par plusieurs formations étatiques. Cette réalité historique n’empêche pas que pour nous le Bassin des Carpates représente une unité organique, culturelle et multilinguistique. Je voudrais convaincre nos voisins qu’en nous rassemblant nous avons la possibilité de faire du Bassin des Carpates le territoire d’Europe le plus sûr, à la croissance la plus rapide, dans le cadre d’un espace économique, commercial et de circulation unifié. Nous avons abondamment montré au cours des dernières années qu’il ne faut pas avoir peur des Hongrois, et que ceux qui collaborent avec nous n’ont pas à le regretter.
Les Hongrois – à l’instar du cœur humain – tantôt se dilatent, et tantôt se compriment, mais ils vivent depuis 1100 ans pratiquement là où nos ancêtres leur ont signifié leur place. En raison de notre position géographique particulière, la Hongrie doit donner la priorité aux considérations géopolitiques par rapport aux approches idéologiques. La Hongrie est membre, et reste un membre engagé du système d’alliances occidental, mais cela ne change rien à la détermination géographique de l’Etat et de la politique hongroise. A l’ouest, la terre des chanceliers de fer germaniques, à l’est le monde des peuples-soldats slaves, et en-bas, au sud, des masses humaines musulmanes. Berlin, Moscou, Istamboul. C’est dans ce cercle que vit la Hongrie. Nous devons en tenir compte, à l’avenir aussi. C’est pourquoi la politique hongroise ne peut pas faire siennes les théories d’exportation de la démocratie, elle ne peut pas s’associer à ceux qui donnent des leçons aux autres peuples et adressent des piques aux peuples allemand, russe ou turc et à leurs dirigeants. Ce n’est pas seulement le savoir-vivre le plus élémentaire qui le dicte, mais aussi nos intérêts. C’est ce système de relations que nous devons intégrer intelligemment dans la politique hongroise.
Les bibliothèques débordent de littérature sur l’esprit des nations. Mon gouvernement fait partie de l’école selon laquelle les Hongrois n’ont jamais voulu être un peuple soumis. Comme l’a dit notre grand poète Petőfi, « Qui a vécu et est mort libre ne peut pas reposer en terre soumise. Nous jurons, nous jurons sur le Dieu des Hongrois qu’esclaves nous ne serons plus ». Ce serment, chaque enfant hongrois le prononce. Pour mon gouvernement, il ne suffit pas, pour préserver notre liberté, de maintenir hors du Bassin des Carpates les trois grandes armées : l’allemande, la russe et la turque, mais nous devons aussi créer les conditions permettant de décider librement de notre sort y compris à l’intérieur de nos frontières. Pas seulement ensemble, mais individuellement aussi. En d’autres termes, mon gouvernement sera le gouvernement des Hongrois libres et de l’Etat hongrois souverain. Ma détermination en faveur de la liberté ne se réduit pas à mon combat contre la dictature et l’occupation soviétique, elle a aussi des motivations économiques. Je fais partie de la génération qui se rappelle encore que ce qui a condamné à mort le système étatique communiste, c’est qu’il a ignoré – et même combattu – une des lois fondamentales de la nature humaine : le communisme a interdit à l’individu d’améliorer sa situation de manière indépendante, de sa propre initiative, par son propre effort, en d’autres termes individuellement. C’est la raison pour laquelle nous avons considéré le communisme non seulement comme oppresseur, mais aussi comme contraire à la nature humaine. Je voudrais, à l’avenir aussi, bâtir notre politique sur cette expérience. Mon objectif est d’assurer le maximum de liberté aux individus, afin qu’ils puissent avancer selon leurs propres désirs. Nous ne pouvons pas nous engager à résoudre le problème de la vie de quiconque, mais nous voulons et pouvons créer les conditions permettant à chacun de le résoudre et de trouver son bonheur.
Je dois dire un mot aussi de notre place au sein de l’Union européenne. Nous souhaitons une Europe forte, la paix et des accords mutuellement profitables. Nous avons besoin de l’Union, et l’Union aussi a besoin de nous. C’est pourquoi nous sommes prêts à prendre notre part de manière proactive de tous les changements dont l’Union – le voudrait-elle – ne pourra pas faire l’économie. Nous défendrons de toutes nos forces l’approche selon laquelle l’Union doit fonctionner comme l’alliance des nations libres, et renoncer à sa vision cauchemardesque des Etats-Unis d’Europe. L’Union européenne doit revenir à la réalité. A titre de premier pas, elle doit réviser son approche de la migration de masse et de l’immigration. L’on pense aujourd’hui à Bruxelles qu’il est injuste que l’homme ne naisse pas là où il voudrait vivre. L’on pense qu’il est juste que les hommes reçoivent le droit de s’installer là où ils souhaitent vivre. Des milliers d’activistes, de bureaucrates et d’hommes politiques travaillent aujourd’hui à Bruxelles pour faire de la migration un droit humain fondamental. C’est la raison pour laquelle l’on veut nous enlever le droit de décider nous-mêmes de qui nous admettons chez nous et de qui nous n’admettons pas.
Je suis convaincu que la migration conduit en fin de compte à la désagrégation des nations et des Etats. Les langues nationales s’affaiblissent, les frontières s’estompent, les cultures nationales se dissolvent et il ne reste plus qu’une société ouverte unique. Et à la fin, l’unification des sociétés européennes atteint le stade où un gouvernement européen unique et unifié pourra voir le jour. C’est le sort qui attend ceux qui ne se protègent pas contre la migration. Peut-être pas demain, mais dans un avenir que nous pouvons encore distinguer. C’est de cela qu’il s’agit, c’est cela le grand projet. Je ne vends pas chat en poche. J’affirme clairement, ici devant vous, que mon gouvernement est hostile à ce projet, au processus qui s’en approche et à toute mesure intermédiaire allant dans son sens, et qu’il en sera l’adversaire déterminé au nom de la liberté des Hongrois. Le multiculturalisme était le premier échelon. Le politiquement correct qui musèle la liberté d’expression a été le second. Voilà où en est l’Europe aujourd’hui. Le troisième échelon serait la répartition par quotas obligatoires. Afin que l’Europe que nous aimons, et au profit de laquelle nous sommes prêts à de sérieux sacrifices, ne gravisse pas l’échelon suivant de son autodissolution, il faudra compter avec nous sur la scène de la politique européenne. Nous lutterons contre les quotas obligatoires, nous défendrons la culture chrétienne, et nous combattrons pour la défense des frontières.
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Pour terminer, Mesdames et Messieurs les Députés, j’ai prêté serment il y a quelques instants pour la quatrième fois en tant que premier ministre. Nous n’avons encore jamais éclairci, dans cette enceinte, ce qu’est au fond ce serment. La loi ne nous donne pas d’indications. Nous devons donc nous faire notre idée par nous-mêmes. Ce serment est une promesse, un vœu et une offrande. Je crois que le pouvoir suprême nous punit à travers notre conscience si nous enfreignons ce serment. C’est pourquoi, maintenant que je l’ai prêté, je confirme en conscience à chacun des membres de notre nation, aux quinze millions de Hongrois ensemble et à chacun d’entre eux individuellement, que dans chacune de mes actions je serai guidé par le service de notre nation, de notre pays, des Hongrois, des intérêts de la Hongrie et des valeurs chrétiennes.
Que Dieu me vienne en aide!